La nostalgie du voyage
Dans mes yeux rêvent des odyssées de lumière,
S’agite sans fin dans mes pensées la couleur
Souveraine d’une éternité éphémère,
Dont les racines chevauchent jusqu’à mon cœur.
De grands paysages gravaient sur ma rétine,
Mon âme percée par les flèches de l’instant,
Les rites futurs qu’épousera ma routine :
Le temps reprendra sa vie solennellement !
J’ai bu le présent comme une eau mémoriale,
Coulant dans mes veines, jusqu’à me les ouvrir.
Génies gémissants aux doctes mercuriales
Me tendaient leur refrain : Ton bonheur va mourir !
Cette pluie de moments vécus sur mon visage
Cascade maintenant que le sommeil chez moi
Cinématographe cent lieux sans tamisage,
Où végètent quelques souvenirs siamois.
Sur les bords des très ordinaires marées froides,
C’est une autre mer que je sens contre ma peau,
Et à ma bouche, c’est un sel étranger, roide,
Qui palpite sur ma langue comme un drapeau.
Oh ! contre quels pavillons l’haleine marine
Écrase-t-elle son nez de vents acharnés ?
Oh ! où se trouvent ces étendues ivoirines
Que ma mémoire me somme de ressasser ?
Naviguant sur des ressouvenances confuses,
Je voudrais calmer les courants abâtardis,
Mais comment, résurgence pugnace et profuse ?
L’instant se sclérose ; le passé a terni.
Je veille sur des étoiles capricieuses
Que chaque nuit j’ai heurtées, couché sur les toits,
Amies des claquedents à la faim spacieuse,
Des égarés qui ont perdu un peu de soi.
Nourri par l’éventration de ma mémoire,
J’extirpe l’oubli dégouttant du soupirail,
Et goûte à ce nectar occulte. Cette moire
Berce aveuglément le temps comme Lorelei
Envoûtait les pêcheurs de sa voix de sirène !
Le voyage d’autrefois est tressé de chaos ;
C’est le chant obscène, inconstant, d’une murène ;
Le passé obscur m’avale tel un caveau.
Mais la mémoire abolira ce catafalque !
En cette couleur brouillée séjourne un soleil
Que la brume du retour camoufle et défalque
De nos économiques songes qu’un éveil
Rend bizarrement creux. Mémoire audacieuse !
Doit-on à jamais réapprendre tes leçons ?
Nostalgie, née sanglante, née pernicieuse,
Vieillit comme des vignes ce que nous aimons.
2025.
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